Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/60

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prendre de l’air, L’Épervier n’aura rien à craindre. Vous savez, mordieu ! que nous avons dix millions à bord.

Ainsi, choisissez, ou d’être pendus aux vergues de l’Anglais, ou de retourner à Saint-Pol, vos ceintures pleines, boire le grog et faire danser les filles ! » L’équipage de Kernok le comprit parfaitement ; l’alternative était inévitable ; aussi, grâce aux voiles dont il était chargé et à ses vigoureux rameurs, L’Épervier commença à filer trois nœuds.

Mais Kernok ne s’abusait pas sur la marche de son brick ; il voyait bien que la corvette anglaise avait sur lui un avantage réel, puisqu’elle venait avec le vent. Aussi, en prudent capitaine, le pirate fit faire branle-bas de combat, ouvrir la soute aux poudres, garnir les parcs à boulets, apporter sur le pont les piques, les haches d’abordage, veillant à tout avec une activité incroyable et semblant se multiplier.

La corvette anglaise avançait toujours…

Kernok fit appeler Mélie, et lui dit :

« Chère amie, le four chauffera probablement ; tout à l’heure tu vas descendre dans la cale, t’y blottir, et ne pas plus bouger qu’un canon sur son affût… Ah ! à propos, si tu sens le brick tourbillonner et descendre, c’est que nous coulerons à fond.

Tu comprends bien… nous coulerons, et attends toi à voir plutôt cela qu’un marsouin fumer une pipe. Allons, pas de larmes embrasse-moi vite, et que je ne te revoie plus qu’après la danse, si je n’y laisse pas ma peau.»