Page:Sue - Kernok le pirate, extrait de Le Roman no 697-706, 1880.djvu/74

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— Hourra ! mes garçons ! reprit celui-ci. Eh bien ! vous le voyez, L’Épervier a le bec dur ; mais il faut maintenant songer à réparer nos avaries. Suivant mon estime, nous devons être du côté des Açores.

La brise fraîchit ; allons, enfants, nettoyons le pont.

Et quant aux blessés… quant aux blessés, répéta-t-il d’un air pensif, en frappant machinalement le bastingage avec sa hache d’armes, tu les feras porter à bord de la corvette, maître Durand, dit-il brusquement.

— Pour ?… demanda celui-ci d’un air interrogatif.

— Tu le sauras », répondit Kernok d’un air sombre, en fronçant ses épais sourcils.

Maître Durand fut remplir les ordres du capitaine en murmurant :

« Que veut-il en faire ? C’est louche…

— Mousse, ici ! » cria Kernok à Grain-de-Sel, qui essuyait d’un air triste la montre que maître Zéli lui avait léguée ; car elle était toute couverte de sang.

Le mousse leva la tête ; des larmes roulaient dans ses yeux. Il s’avança près du terrible capitaine sans penser à trembler. Une idée fixe le dominait, c’était le souvenir de la mort de maître Zéli, auquel il était vraiment bien attaché.

« Tu vas descendre à fond de cale, et dire à ma femme qu’elle peut venir m’embrasser ; entends-tu ? dit Kernok.

— Oui, capitaine », répondit Grain-de-Sel ; et une grosse larme tomba sur la montre.

Il disparut aussitôt par le grand panneau pour chercher Mélie.

Kernok monta avec agilité dans les hunes, examina le gréement avec la plus scrupuleuse attention : les avaries étaient nombreuses, mais pas inquiétantes, et avec le secours de mâts et de vergues de rechange, il vit bien qu’il pourrait continuer sa route et regagner le port le plus voisin.

Grain-de-Sel remonta sur le pont, mais seul.