Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/180

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car nous exiler maintenant à quatre cents lieues plus loin, c’est rendre impossible ce voyage en France dont le terme est fixé. » Et elle se désespérait à cette idée.

— Peut-être ce chagrin imprévu a-t-il causé sa maladie subite ?

— Hélas ! non, mes enfants ; c’est cet infernal choléra, qui arrive sans qu’on sache d’où il vient, car il voyage aussi, lui… et il vous frappe comme le tonnerre ; trois heures après le départ du voyageur, quand vous êtes revenues de la forêt toutes gaies, toutes contentes, avec vos gros bouquets de fleurs pour votre mère… elle était déjà presque à l’agonie… et méconnaissable ; le choléra s’était déclaré dans le village… Le soir, cinq personnes étaient mortes… Votre mère n’a eu que le temps de vous passer la médaille au cou, ma chère petite Rose… de vous recommander toutes deux à moi… de me supplier de nous mettre tout de suite en route ; elle morte, le nouvel ordre d’exil qui la frappait ne pouvait plus vous atteindre ; le gouverneur m’a permis de partir avec vous pour la France, selon les dernières volontés de votre…

Le soldat ne put achever ; il mit sa main sur ses yeux pendant que les orphelines s’embrassaient en sanglotant.