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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/191

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gueur peu commune. Il fallut l’intervention de Goliath et du maître de l’auberge pour arracher le Prophète des mains de l’ancien grenadier.

Au bout de quelques instants on sépara les deux champions. Morok était blême de rage. Il fallut de nouveaux efforts pour l’empêcher de se saisir de la pique, dont il voulait frapper Dagobert.

— Mais c’est abominable ! s’écria l’hôte en s’adressant au soldat, qui appuyait avec désespoir ses poings crispés sur son front chauve. Vous exposez ce digne homme à être dévoré par ses bêtes, et vous voulez encore l’assommer… Est-ce ainsi qu’une barbe grise se conduit ? Faut-il aller chercher main-forte ? Vous vous étiez montré plus raisonnable dans la soirée.

Ces mots rappelèrent le soldat à lui-même ; il regretta d’autant plus sa vivacité, que sa qualité d’étranger pouvait augmenter les embarras de sa position ; il fallait à tout prix se faire indemniser de son cheval, afin d’être en état de continuer son voyage, dont le succès pouvait être compromis par un seul jour de retard. Faisant un violent effort sur lui-même, il parvint à se contraindre.

— Vous avez raison… j’ai été trop vif, dit-il