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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/209

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un gros homme de soixante ans environ, d’une figure rogue et renfrognée ; de son poing rouge et gras, il frottait fréquemment ses yeux, gonflés et rougis par un brusque réveil.

Dagobert, debout, tête nue, l’air soumis et respectueux, tenait son vieux bonnet de police entre ses deux mains, et tâchait de lire sur la maussade physionomie de son juge quelles chances il pouvait avoir de l’intéresser à son sort, c’est-à-dire à celui des orphelines.

Dans ce moment critique, le pauvre soldat appelait à son aide tout son sang-froid, toute sa raison, toute son éloquence, toute sa résolution ; lui qui vingt fois avait bravé la mort avec un froid dédain, lui qui, calme et assuré, n’avait jamais baissé les yeux devant le regard d’aigle de l’empereur, son héros, son dieu… se sentait interdit, tremblant, devant ce bourgmestre de village à figure malveillante.

De même aussi, quelques heures auparavant, il avait dû subir, impassible et résigné, les provocations du Prophète, pour ne pas compromettre la mission sacrée dont une mère mourante l’avait chargé, montrant ainsi à quel héroïsme d’abnégation peut atteindre une âme honnête et simple.

— Qu’avez-vous à dire… pour votre justifi-