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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/216

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— Contre moi ?…

— Apparemment ; mais en généreux ennemi, il s’est tu lorsque je lui ai dit que selon toute apparence je vous condamnerais provisoirement à une forte amende envers lui ; car, je ne vous le cache pas, avant d’avoir entendu vos raisons, j’étais décidé à exiger de vous une indemnité pour la blessure du Prophète…

— Voyez pourtant, M. le bourgmestre, comme les gens les plus justes et les plus capables peuvent être trompés, dit Dagobert redevenant courtisan ; bien plus, il ajouta en tâchant de prendre un air prodigieusement malicieux : Mais ils reconnaissent la vérité, et ce n’est pas eux que l’on met dedans, tout Prophète que l’on soit !

Par ce pitoyable jeu de mots, le premier, le seul que Dagobert eût jamais commis, l’on juge de la gravité de la situation et des efforts, des tentatives de toute sorte que faisait le malheureux pour captiver la bienveillance de son juge.

Le bourgmestre ne comprit pas tout d’abord la plaisanterie ; il ne fut mis sur la voie que par l’air satisfait de Dagobert et par son coup d’œil interrogatif, qui semblait dire : Hein ! c’est charmant, j’en suis étonné moi-même.

Le magistrat se prit donc à sourire d’un air