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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/225

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rais pas permis de vous déranger ; il m’est venu un scrupule.

— Un scrupule ?

— Oui, M. le bourgmestre, je me suis reproché de ne pas vous avoir dit ce que j’avais à vous dire sur cet homme ; déjà une fausse pitié m’avait égaré.

— Mais enfin, qu’avez-vous à dire ?

Morok s’approcha du juge et lui parla tout bas pendant assez longtemps.

D’abord très-étonnée, peu à peu la physionomie du bourgmestre devint profondément attentive et soucieuse ; de temps en temps, il laissait échapper une exclamation de surprise et de doute, en jetant des regards de côté sur le groupe formé par Dagobert et les deux jeunes filles.

À l’expression de ces regards, de plus en plus inquiets, scrutateurs et sévères, on voyait facilement que les paroles secrètes du Prophète changeaient progressivement l’intérêt que le magistrat avait ressenti pour les orphelines et pour le soldat, en un sentiment rempli de défiance et d’hostilité.

Dagobert s’aperçut de ce revirement soudain ; ses craintes, un instant calmées, revinrent plus vives que jamais. Rose et Blanche, interdites, et ne comprenant rien à cette scène