Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/292

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« — Oh ! par pitié… quelques instants de trêve… nous sommes épuisés…

« — Marche !

« — Mais si nous mourons à la peine, que deviendront et nos petits-enfants, et nos vieilles mères ?

« — Marche… marche !

« Et depuis des siècles, eux et moi nous marchons et nous souffrons, sans qu’une voix charitable nous ait dit assez !

« Hélas… tel est mon châtiment, il est immense… il est double…

« Je souffre au nom de l’humanité en voyant des populations misérables, vouées sans relâche à d’ingrats et rudes travaux.

« Je souffre au nom de la famille, en ne pouvant, moi pauvre et errant, venir toujours en aide aux miens, à ces descendants d’une sœur chérie.

« Mais quand la douleur est au-dessus de mes forces… quand je pressens pour les miens un danger dont je ne peux les sauver, alors traversant les mondes, ma pensée va trouver cette femme, comme moi maudite… cette fille de reine[1] qui, comme moi fils d’artisan, mar-

  1. Selon une légende très-peu connue, que nous devons à la précieuse bienveillance de M. Maury, le savant sous-bibliothécaire de l’Institut, Hérodiade fut condamnée à