Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/423

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Parmi les passagers qui semblaient n’avoir échappé à ce danger que pour être broyés contre les rochers ou écrasés sous le choc des deux navires dont la rencontre devenait de plus en plus imminente, un groupe était surtout digne du plus tendre, du plus douloureux intérêt.

Réfugié à l’arrière, un grand vieillard au front chauve, à la moustache grise, avait enroulé autour de son corps un bout de cordage, et, ainsi solidement amarré le long de la muraille du navire, il enlaçait de ses bras et serrait avec force contre sa poitrine deux jeunes filles de quinze à seize ans, à demi enveloppées dans une pelisse de peau de renne ;… un grand chien fauve, ruisselant d’eau et aboyant avec fureur contre les lames, était à leurs pieds.

Ces jeunes filles, entourées du bras du vieillard, se pressaient encore l’une contre l’autre ; mais loin de s’égarer autour d’elles avec épouvante, leurs yeux se levaient vers le ciel, comme si, pleines d’une espérance ingénue, elles se fussent attendues à être sauvées par l’intervention d’une puissance surnaturelle.

Un épouvantable cri d’horreur, de désespoir, poussé à la fois par tous les passagers des deux