Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/607

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n’y a qu’à moi que ces choses-là arrivent, et l’on dit que je suis originale ;… ce n’est pas moi, ce me semble, c’est la Providence qui, en vérité, se montre quelquefois très-excentrique. Mais voyons donc si ce pauvre Dupont me dit le nom de ce beau prince…

« Vous excuserez sans doute notre indiscrétion, mademoiselle ; mais nous aurions cru être bien égoïstes en ne vous parlant que de nos peines, lorsqu’il y a auprès de nous un brave et digne prince aussi très à plaindre… Enfin, mademoiselle, veuillez me croire ; je suis vieux, j’ai assez d’expérience des hommes ; eh bien ! rien qu’à voir la noblesse et la douceur de la figure de ce jeune Indien, je jurerais qu’il est digne de l’intérêt que je vous demande pour lui ; il suffirait de lui envoyer une petite somme d’argent pour lui acheter quelques vêtements européens, car il a perdu tous ses vêtements indiens dans le naufrage. »

— Ciel ! des vêtements européens !… s’écria gaiement Adrienne. Pauvre jeune prince ! Dieu l’en préserve, et moi aussi ! Le hasard m’envoie du fond de l’Inde un mortel assez favorisé pour n’avoir jamais porté cet abominable costume européen, ces hideux habits, ces affreux chapeaux qui rendent les hommes si ridicules, si laids, qu’en vérité il n’y a aucune vertu à les