Aller au contenu

Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 1-2.djvu/78

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

taient sur une représentation le lendemain, et ce prélude les amusait beaucoup.

En entendant la provocation de son adversaire, Dagobert ne put s’empêcher de lui dire en allemand :

— Je comprends l’allemand… parlez en allemand, on entendra…

De nouveaux spectateurs arrivèrent et se joignirent aux premiers ; l’aventure devenait piquante, on fit cercle autour des deux interlocuteurs.

Le Prophète reprit en allemand :

— Je disais que vous n’étiez pas poli, et je dirai maintenant que vous êtes impudemment grossier ; que répondrez-vous à cela ?

— Rien…, dit froidement Dagobert en passant au savonnage d’une autre pièce de linge.

— Rien, reprit Morok, c’est peu de chose ; je serai moins bref, moi, et je vous dirai que lorsqu’un honnête homme offre poliment un verre de vin à un étranger, cet étranger n’a pas le droit de répondre insolemment… et il mérite qu’on lui apprenne à vivre.

De grosses gouttes de sueur tombaient du front et des joues de Dagobert ; sa large impériale était incessamment agitée par un tressaillement nerveux, mais il se contenait ; prenant par les deux coins le mouchoir qu’il venait de tremper