Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/12

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ardeur âpre, jalouse, haineuse, car elle voyait finir ses dernières belles années.

On jugera, par le fait suivant, du caractère de cette femme.

Encore fort agréable, elle voulut terminer sa vie mondaine par un éclatant et dernier triomphe, ainsi qu’une grande comédienne sait se retirer à temps du théâtre, afin de laisser des regrets. Voulant donner cette consolation suprême à sa vanité, la princesse choisit habilement ses victimes ; elle avisa dans le monde un jeune couple qui s’idolâtrait, et, à force d’astuce, de manège, elle enleva l’amant à sa maîtresse, ravissante femme de dix-huit ans dont il était adoré. Ce succès bien constaté, madame de Saint-Dizier quitta le monde dans tout l’éclat de son aventure. Après plusieurs longs entretiens avec l’abbé-marquis d’Aigrigny, alors prédicateur fort renommé, elle partit brusquement de Paris, et alla passer deux ans dans sa terre près de Dunkerque, où elle n’emmena qu’une de ses femmes, madame Grivois.

Lorsque la princesse revint, on ne put reconnaître cette femme autrefois frivole, galante et dissipée ; la métamorphose était complète, extraordinaire, presque effrayante. L’hôtel de Saint-Dizier, jadis ouvert aux joies, aux fêtes, aux plaisirs, devint silencieux et austère ; au