Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/169

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rance que les esprits les plus étroits. Cela ne m’irrite pas… non… mais cela me fait souffrir… oui, je vous l’assure… bien souffrir.

Et le docteur passa la main sur ses yeux humides.

Il faut renoncer à rendre l’accent, le regard, la physionomie, le geste de M. Baleinier en s’exprimant ainsi.

L’avocat le plus habile et le plus exercé, le plus grand comédien du monde n’aurait pas mieux joué cette scène que le docteur… et encore non, personne ne l’eût jouée aussi bien… car M. Baleinier, emporté malgré lui par la situation, était à demi convaincu de ce qu’il disait.

En un mot il sentait toute l’horreur de sa perfidie ; mais il savait aussi qu’Adrienne ne pourrait y croire ; car il est des combinaisons si horribles que les âmes loyales et pures ne peuvent jamais les accepter comme possibles ; si malgré soi un esprit élevé plonge du regard dans l’abîme du mal, au-delà d’une certaine profondeur il est pris de vertige, et ne distingue plus rien.

Et puis enfin les hommes les plus pervers ont un jour, une heure, un moment où ce que Dieu a mis de bon au cœur de toute créature se révèle malgré eux.

Adrienne était trop intéressante, elle se trou-