Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/332

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bruyant, si animé, si fou, complété par une troisième voiture, remplie, comme la première, d’une pyramide de masques grotesques et extravagants.

Parmi cette foule réjouie, une seule personne contemplait cette scène avec une tristesse profonde : c’était la Mayeux, toujours maintenue au premier rang des spectateurs, malgré ses efforts pour sortir de la foule.

Séparée de sa sœur depuis bien longtemps, elle la revoyait pour la première fois dans toute la pompe de son singulier triomphe, au milieu des cris de joie, des bravos de ses compagnons de plaisir. Pourtant les yeux de la jeune ouvrière se voilèrent de larmes : quoique la reine Bacchanal parût partager l’étourdissante gaieté de ceux qui l’entouraient, quoique sa figure fût radieuse, quoiqu’elle parût jouir de tout l’éclat d’un luxe passager, elle la plaignait sincèrement… elle… pauvre malheureuse, presque vêtue de haillons, qui venait au point du jour chercher du travail pour la journée et pour la nuit…

La Mayeux avait oublié la foule pour contempler sa sœur qu’elle aimait tendrement… d’autant plus tendrement, qu’elle la croyait à plaindre… Les yeux fixés sur cette joyeuse et belle fille, sa pâle et douce figure exprimait