Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/368

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à l’oreille de la reine Bacchanal, qui lui répondit par un signe d’intelligence.

— Non… je n’aime pas M. Tripeaud, reprit Couche-tout-Nu, je le hais, savez-vous pourquoi ? c’est de sa faute autant que de la mienne si je suis devenu un bambocheur ; je ne dis pas ça pour me vanter, mais c’est vrai… Étant gamin et apprenti chez lui, j’étais tout cœur, tout ardeur et si enragé pour l’ouvrage, que j’ôtais ma chemise pour travailler ; c’est même à propos de ça qu’on m’a baptisé Couche-tout-Nu… Eh bien ! j’avais beau me tuer, m’éreinter… jamais un mot pour m’encourager ; j’arrivais le premier à l’atelier, j’en sortais le dernier… rien ; on ne s’en apercevait seulement pas… Un jour je suis blessé sur la mécanique… on me porte à l’hôpital… j’en sors… tout faible encore ; c’est égal, je reprends mon travail… je ne me rebutais pas ;… les autres, qui savaient de quoi il retournait, et qui connaissaient le patron, avaient beau me dire : « Est-il serin de s’échiner ainsi, ce petit-là !… qu’est-ce qu’il en retirera ?… Mais fais donc ton ouvrage tout juste, imbécile, il n’en sera ni plus ou moins. » C’est égal, j’allais toujours ; enfin un jour, un vieux brave homme, qu’on appelait le père Arsène (il travaillait depuis longtemps dans la maison, et c’était un modèle