Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 3-4.djvu/78

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lors j’entrevoyais des horizons magiques… c’est qu’alors m’apparaissaient des visions si splendides que je me sentais ravie dans je ne sais quelle sublime et divine extase… et que je n’appartenais plus à la terre…

En prononçant ces dernières paroles avec enthousiasme, la physionomie d’Adrienne sembla se transfigurer, tant elle devint resplendissante. À ce moment, ce qui l’entourait n’existait plus pour elle.

— C’est qu’alors, reprit-elle avec une exaltation croissante, je respirais un air pur, vivifiant et libre… oh ! libre… surtout… libre… et si salubre… si généreux à l’âme… Oui, au lieu de voir mes sœurs péniblement soumises à une domination égoïste, humiliante, brutale… à qui elles doivent les vices séduisants de l’esclavage, la fourberie gracieuse, la perfidie enchanteresse, la fausseté caressante, la résignation méprisante, l’obéissance haineuse… je les voyais, ces nobles sœurs, dignes et sincères, parce qu’elles étaient libres ; fidèles et dévouées, parce qu’elles pouvaient choisir ; ni impérieuses ni basses, parce qu’elles n’avaient pas de maître à dominer ou à flatter ; chéries et respectées enfin, parce qu’elles pouvaient retirer d’une main déloyale une main loyalement donnée. Oh ! mes sœurs… mes sœurs… je le