Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/18

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Avant que Gabriel se fût retourné, Rodin eut le temps de dire tout bas au révérend père :

— Il ne sait rien, et l’Indien n’est plus à craindre.

Malgré son calme affecté, les traits du père d’Aigrigny étaient pâles et contractés, comme ceux d’un joueur qui est sur le point de voir se décider une partie d’une importance terrible. Tout jusqu’alors favorisait les desseins de sa compagnie ; mais il ne pensait pas sans effroi aux quatre heures qui restaient encore pour attendre le terme fatal.

Gabriel s’étant retourné, le père d’Aigrigny lui dit, d’un ton affectueux et cordial, en s’approchant de lui, le sourire aux lèvres et la main tendue :

— Mon cher fils, il m’en a coûté beaucoup de vous avoir refusé jusqu’à ce moment l’entretien que vous désiriez depuis votre retour ; il m’a été non moins pénible de vous obliger à une retraite de quelques jours. Quoique je n’aie aucune explication à vous donner au sujet des choses que je vous ordonne, je veux bien vous dire que je n’ai agi ainsi que dans votre intérêt.

— Je dois croire Votre Révérence, répondit Gabriel en s’inclinant.

Le jeune prêtre ressentait malgré lui une