Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/181

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impassible et livide, les plus jeunes, les plus vigoureux… seront à chaque minute du jour en danger de mort… aussi imminent que l’est un moribond à sa dernière minute…

— Mais cet auxiliaire, reprit le père d’Aigrigny, de plus en plus épouvanté, car plus Rodin assombrissait ce lugubre tableau, plus sa figure devenait cadavéreuse.

— Cet auxiliaire, enfin… pourra bien décimer des populations, emporter dans le linceul, qu’il traîne après lui, toute une famille maudite ; mais il sera forcé de respecter la vie de ce grand corps immuable, que la mort de ses membres n’affaiblit jamais… parce que son esprit… l’esprit de la société de Jésus, est impérissable…

— Enfin… cet auxiliaire ?

— Eh bien ! cet auxiliaire, reprit Rodin, cet auxiliaire, qui s’avance… s’avance… à pas lents, et dont de lugubres pressentiments, répandus partout, annoncent la venue terrible…

— C’est…

— Le choléra !

À ce mot prononcé par Rodin d’une voix brève et stridente, la princesse et le père d’Aigrigny pâlirent et frissonnèrent…

Le regard de Rodin était morne, glacé ; on eût dit un spectre.