Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/20

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— Vous désirez, mon cher fils, avoir un entretien très-important avec moi ?

— Oui, mon père, dit Gabriel en baissant malgré lui les yeux devant l’éclatante et large prunelle grise de son supérieur.

— J’ai aussi, moi, des choses d’un grand intérêt à vous apprendre ; écoutez-moi donc d’abord… vous parlerez ensuite.

— Je vous écoute, mon père…

— Il y a environ douze ans, mon cher fils, dit affectueusement le père d’Aigrigny, que le confesseur de votre mère adoptive, s’adressant à moi par l’intermédiaire de M. Rodin, appela mon attention sur vous en me parlant des progrès étonnants que vous faisiez à l’école des Frères ; j’appris en effet que votre excellente conduite, que votre caractère doux et modeste, votre intelligence précoce étaient dignes du plus grand intérêt ; de ce moment, on eut les yeux ouverts sur vous : au bout de quelque temps, voyant que vous ne déméritiez pas, il me parut qu’il y avait autre chose en vous qu’un artisan ; on s’entendit avec votre mère adoptive, et par mes soins vous fûtes admis gratuitement dans l’une des écoles de notre compagnie : ainsi une charge de moins pesa sur l’excellente femme qui vous avait recueilli, et un enfant qui faisait déjà concevoir de hautes