Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/328

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fable et fière. Comme elle hésitait à répondre à l’accueil cordial d’Adrienne, celle-ci l’embrassa avec une touchante effusion.

Lorsque la Mayeux se vit entourée des bras charmants de mademoiselle de Cardoville, lorsqu’elle sentit les lèvres fraîches et fleuries de la jeune fille s’appuyer fraternellement sur ses joues pâles et maladives, elle fondit en larmes sans pouvoir prononcer une parole.

Rodin, retiré dans un coin de la chambre, regardait cette scène avec un secret malaise ; instruit du refus plein de dignité opposé par la Mayeux aux tentations perfides de la supérieure du couvent de Sainte-Marie, sachant le dévouement profond de cette généreuse créature pour Agricol, dévouement qui s’était si valeureusement reporté depuis quelques jours sur mademoiselle de Cardoville, le jésuite n’aimait pas à voir celle-ci prendre à tâche d’augmenter encore cette affection. Il pensait sagement qu’on ne doit jamais dédaigner un ennemi ou un ami, si petits qu’ils soient. Or, son ennemi était celui-là qui se dévouait à mademoiselle de Cardoville ; puis enfin, on le sait, Rodin alliait à une rare fermeté de caractère certaines faiblesses superstitieuses, et il se sentait inquiet de la singulière impression de crainte que lui inspirait la Mayeux ; il se promit de tenir