Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 5-6.djvu/679

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Il a voulu revenir chez lui à pied, par la campagne, espérant que la marche apaiserait sa fièvre… fièvre glacée comme le frisson d’un mourant.

On ne l’avait pas trompé ; cette maîtresse adorée, cette noble femme, auprès de laquelle il aurait pu trouver un refuge ensuite de l’épouvantable déception qui venait de le frapper… cette femme a quitté la France.

Il ne peut en douter : Marguerite est partie pour l’Amérique ; sa mère a exigé d’elle, pour expiation de sa faute, qu’elle ne lui écrirait pas un seul mot d’adieu, à lui, pour qui elle avait sacrifié ses devoirs d’épouse. Marguerite a obéi…

Elle le lui avait dit, d’ailleurs, souvent :

« Entre ma mère et vous, je n’hésiterais pas…  »

Elle n’a pas hésité… Il n’y a donc plus d’espoir, plus aucun espoir ; l’Océan ne le séparerait pas de Marguerite, qu’il la sait assez aveuglement soumise à sa mère pour être certain que, de même, tout serait rompu… à tout jamais rompu.

— C’est bien… il ne compte plus sur ce cœur… ce cœur… son dernier refuge.

Voilà donc les deux racines les plus vivantes de sa vie arrachées, brisées du même coup, le même jour, presque à la fois.