Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/187

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drir, comme je l’ai fait, par tous ces petits moyens, s’abaisser à nouer si laborieusement les mille fils de cette trame obscure ! Beau spectacle, n’est-ce pas ? voir l’araignée tisser opiniâtrement sa toile… comme c’est intéressant, un vilain petit animal noirâtre tendant fil sur fil, renouant ceux-ci, renforçant ceux-là, en allongeant d’autres ! Vous haussez les épaules, soit… mais revenez deux heures après ;… que trouvez-vous ? le petit animal noirâtre bien gorgé, bien repu, et dans sa toile, une douzaine de folles mouches si enlacées, si garrottées, que le petit animal noirâtre n’a plus qu’à choisir à son aise l’heure et le moment de sa pâture…

En disant ces mots, Rodin sourit d’une manière étrange ; ses yeux, ordinairement à demi voilés par ses flasques paupières, s’ouvrirent tout grands et semblèrent briller plus que de coutume ; le jésuite sentait en lui depuis quelques instants une sorte d’excitation fébrile ; il l’attribuait à la lutte qu’il soutenait devant ces éminents personnages, qui subissaient déjà l’influence de sa parole originale et tranchante.

Le père d’Aigrigny commençait à regretter d’avoir engagé cette lutte ; pourtant il reprit avec une ironie mal contenue :

— Je ne conteste pas la ténuité de vos