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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/217

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sur le matelas ; tout à coup la multitude reflua violemment, renversa le brancard ; le porteur et le vieillard sont foulés aux pieds, et leurs gémissements sont couverts par ces cris :

Mort aux carabins !

Et les hurlements recommencèrent avec une nouvelle furie. Cette bande farouche, qui dans son délire féroce ne respectait rien, fut cependant obligée, quelques instants après, d’ouvrir ses rangs devant plusieurs ouvriers qui frayaient vigoureusement le passage à deux de leurs camarades, apportant entre leurs bras entrelacés un artisan, jeune encore ; sa tête, appesantie et déjà livide, s’appuyait sur l’épaule de l’un de ses compagnons ; un petit enfant suivait en sanglotant, tenant le pan de la blouse d’un des artisans.

Depuis quelques moments on entendait résonner au loin, dans les rues tortueuses de la Cité le bruit sonore et cadencé de plusieurs tambours ; on battait le rappel, car l’émeute grondait au faubourg Saint-Antoine ; les tambours, débouchant par l’arcade, traversaient la place du parvis Notre-Dame ; un de ces soldats, vétéran à moustaches grises, ralentit subitement les roulements sonores de sa caisse, et resta un pas en arrière ; ses compagnons se retournent surpris… il était vert ; ses jambes fléchissent,