Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/246

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Tel fut l’ambitieux crescendo qui suivit la proposition de Nini-Moulin.

— Monsieur, répondit le garçon d’un air triomphant, nous avons justement une marmite de cuivre tout fraîchement étamée ; elle n’a pas servi, elle tiendrait au moins trente bouteilles.

— Apportez la marmite !… dit Nini-Moulin avec majesté.

— Vive la marmite ! cria-t-on en chœur.

— Mettez dedans vingt bouteilles de kirsch, six pains de sucre, douze citrons, une livre de cannelle, et feu… feu partout !… feu !… ajouta l’écrivain religieux, en poussant des cris inhumains.

— Oui, oui, feu partout ! répéta-t-on en chœur.

La proposition de Nini-Moulin donnait un nouvel élan à la gaieté générale ; les propos les plus fous se croisaient et se mêlaient au doux bruit des baisers surpris ou donnés sous le prétexte que l’on n’aurait peut-être pas de lendemain, qu’il fallait se résigner, etc., etc.

Soudain, au milieu de l’un de ces moments de silence qui surviennent parfois parmi les plus grands tumultes, on entendit plusieurs coups sourds et mesurés retentir au-dessus de la salle du festin.

Tout le monde se tut, et l’on prêta l’oreille…