Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/315

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bande du carrier eût fait irruption dans l’église, plusieurs personnes qui s’y trouvaient avaient pris la fuite ; deux d’entre elles s’étaient réfugiées dans l’orgue, et, de cet abri, avaient assisté, invisibles, à la scène précédente. L’une de ces personnes était un jeune homme chargé de l’entretien des orgues, assez bon musicien pour en jouer ; profondément ému du dénoûment inespéré de cet événement d’abord si tragique, cédant enfin à une inspiration d’artiste, ce jeune homme, au moment où il vit le peuple s’agenouiller comme Gabriel, ne put s’empêcher de se mettre au clavier.

Alors, une sorte d’harmonieux soupir, d’abord presque insensible, sembla s’exhaler du sein de l’immense cathédrale, comme une aspiration divine ; puis, aussi suave, aussi aérienne que la vapeur embaumée de l’encens, elle monta et s’épandit jusqu’aux voûtes sonores ; peu à peu, ces faibles et doux accords, quoique toujours voilés, se changèrent en une mélodie d’un charme indéfinissable, à la fois religieux, mélancolique et tendre, qui s’élevait au ciel comme un chant ineffable de reconnaissance et d’amour.

Ces accords avaient d’abord été si faibles, si voilés, que la multitude agenouillée s’était, sans surprise, peu à peu abandonnée à l’irrésis-