Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/33

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de Rodin, qui donnait à entendre que, dans sa crainte d’être démasquée par lui, celle-ci n’avait pas osé rester dans la maison, Adrienne éprouvait un cruel serrement de cœur en songeant que cette jeune fille, en qui elle avait eu tant de foi, avait fui son hospitalité presque fraternelle sans lui adresser une parole de reconnaissance ; on s’était en effet bien gardé de montrer les quelques lignes écrites à la hâte à sa bienfaitrice par la pauvre ouvrière au moment de partir ; l’on n’avait parlé que du billet de cinq cents francs trouvé sur son bureau, et cette dernière circonstance, pour ainsi dire inexplicable, avait aussi contribué à éveiller de cruels soupçons dans l’esprit de mademoiselle de Cardoville. Déjà elle ressentait les funestes effets de cette défiance de tout et de tous, que lui avait recommandée Rodin ; ce sentiment de défiance, de réserve, tendait à devenir d’autant plus puissant, que, pour la première fois de sa vie, mademoiselle de Cardoville, jusqu’alors étrangère au mensonge, avait un secret à cacher… un secret qui faisait à la fois son bonheur, sa honte et son tourment.

À demi couchée sur son divan, pensive, accablée, Adrienne parcourait, souvent distraite, un de ces ouvrages récemment achetés ; tout à