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Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/451

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demoiselle de Cardoville, se rappelant les traits charmants de Rose-Pompon, se demandait si le mauvais goût, si les manières libres et inconvenantes de cette jolie créature, résultaient d’une effronterie précoce et dépravée ou de l’ignorance complète des usages ; dans ce dernier cas, cette ignorance même, résultant peut-être d’un naturel naïf, ingénu, pouvait avoir un grand attrait ; enfin si, à ce charme et à celui d’une incontestable beauté, se joignaient un amour sincère et une âme pure, peu importait l’obscurité de la naissance et la mauvaise éducation de cette jeune fille ; elle pouvait inspirer à Djalma une passion profonde.

Si Adrienne hésitait souvent à voir dans Rose-Pompon, malgré tant de fâcheuses apparences, une créature perdue, c’est que, se souvenant de ce que tant de voyageurs racontaient de l’élévation de l’âme de Djalma, se souvenant surtout de la conversation qu’elle avait un jour surprise entre lui et Rodin, elle se refusait à croire qu’un homme doué d’un esprit si remarquable, d’un cœur si tendre, d’une âme si poétique, si rêveuse, si enthousiaste de l’idéal, fût capable d’aimer une créature dépravée, vulgaire, et de se montrer audacieusement en public avec elle… Là était un mystère qu’Adrienne s’efforçait en vain de pénétrer.