Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/46

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rire… elle, douce et jolie, devenir tout à coup la moitié de cette vilaine chose… oui… ainsi, elle, fraîche et charmante rose, je suppose, la moitié d’un affreux chardon ! Allons, mon cher comte, avouez-le… c’est quelque chose de fort odieux que cette métempsycose… conjugale, ajouta Adrienne avec un éclat de rire.

La gaieté factice, un peu fébrile d’Adrienne, contrastait d’une manière si navrante avec la pâleur et l’altération de ses traits ; il était si facile de voir qu’elle cherchait à étourdir un profond chagrin par ses rires forcés, que M. de Montbron en fut douloureusement touché ; mais, dissimulant son émotion, il parut réfléchir un instant et prit machinalement un des livres tout récemment achetés et coupés, dont Adrienne était entourée ; après avoir jeté un regard distrait sur ce volume, il continua, en dissimulant la pénible émotion que lui causait le rire forcé de mademoiselle de Cardoville :

— Voyons, chère tête folle que vous êtes… une fois de plus… Supposons que j’aie vingt ans et que vous me fassiez l’honneur de m’épouser… on vous appellerait madame de Montbron, je suppose ?

— Peut-être…

— Comment, peut-être ? quoique mariés vous ne porteriez pas mon nom ?