Aller au contenu

Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/463

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

funeste amour, que, malgré sa profonde et sa tendre affection pour mademoiselle de Cardoville, elle souffrit cruellement en la croyant maîtresse de son secret.

Cette pensée d’abord si pénible, que mademoiselle de Cardoville était instruite de son amour pour Agricol, se transforma bientôt dans le cœur de la Mayeux, grâce aux généreux instincts de cette rare et excellente créature, en un regard touchant, qui montrait tout son attachement, toute sa vénération pour Adrienne.

— Peut-être, se disait la Mayeux, vaincue par l’influence que l’adorable bonté de ma protectrice exerce sur moi, je lui aurais fait un aveu que je n’aurais fait à personne, un aveu que, tout à l’heure encore, je croyais emporter dans ma tombe… c’eût été du moins une preuve de ma reconnaissance pour mademoiselle de Cardoville ; mais malheureusement me voici privée du triste bonheur de confier à ma bienfaitrice le seul secret de ma vie. Et d’ailleurs, si généreuse que soit sa pitié pour moi, si intelligente que soit son affection, il ne lui est pas donné, à elle si belle, si admirée, il ne lui est pas donné de jamais comprendre ce qu’il y a d’affreux dans la position d’une créature comme moi, cachant au plus profond de son cœur meurtri un amour aussi désespéré que ridi-