Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/136

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— Ah !… s’écria M. Hardy en cachant son visage dans ses mains avec terreur.

— Elle était morte, reprit Rodin. Deux cierges brûlaient auprès de sa couche funèbre ; M. de Rancé ne croit pas, ne veut pas croire, lui, qu’elle est morte ; il se jette à genoux auprès du lit ; dans son délire, il prend cette jeune tête si belle, si chérie, si adorée, pour la couvrir de baisers… Cette tête charmante se détache du cou… et lui reste entre les mains… Oui, reprit Rodin en voyant M. Hardy reculer pâle et muet de terreur, oui, la jeune fille avait succombé à un mal si rapide, si extraordinaire, qu’elle n’avait pu recevoir les derniers sacrements. Après sa mort, les médecins, pour tâcher de découvrir la cause de ce mal inconnu, avaient dépecé ce beau corps…

À ce moment du récit de Rodin, le jour tirait à sa fin ; il ne régnait plus dans cette chambre silencieuse qu’une faible clarté crépusculaire au milieu de laquelle se détachait vaguement la sinistre et pâle figure de Rodin, vêtu de sa longue robe noire ; ses yeux semblaient étinceler d’un feu diabolique.

M. Hardy, sous le coup des violentes émotions dont le frappait ce récit, si étrangement mélangé de pensées de mort, de volupté, d’amour et d’horreur, restait atterré, immobile, at-