Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/179

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Après un moment d’hésitation, le soldat reprit :

— Après tout, je puis bien te dire ceci à toi… mon pauvre enfant ; eh bien ! tout à l’heure je suis monté chez le maréchal… et j’ai ôté les capsules de ses pistolets…

— Ah !… mon père !… s’écria Agricol, tu craindrais !…

— Dans l’état d’exaspération où je l’ai vu hier, il faut tout craindre.

— Que s’est-il donc passé ?

— Depuis quelque temps, il a souvent de longs entretiens secrets avec un monsieur qui a l’air d’un ancien militaire, d’un brave et digne homme ; j’ai remarqué que l’agitation, que la tristesse du maréchal, redoublent toujours après ces visites ; deux ou trois fois je lui ai parlé là-dessus ; j’ai vu, à son air, que cela lui déplaisait, je n’ai pas insisté. Hier, ce monsieur est revenu le soir ; il est resté ici jusqu’à près de onze heures, et sa femme est venue le chercher et l’attendre dans un fiacre ; après son départ, je suis monté pour voir si le maréchal avait besoin de quelque chose ; il était très-pâle, mais calme ; il m’a remercié ; je suis redescendu. Tu sais que ma chambre, qui est à côté, se trouve juste au-dessous de la sienne ; une fois chez moi, j’entends d’abord le maréchal