Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/185

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cupation pénible ; ses deux petites mains blanches, aussi amaigries, étaient retombées sur ses genoux, tenant encore la tapisserie dont elle s’occupait.

Blanche, tournée de profil, la tête un peu penchée vers sa sœur, avec une expression de tendre et inquiète sollicitude, la regardait, ayant encore machinalement son aiguille passée dans son canevas, comme si elle eût travaillé.

— Ma sœur, dit Blanche d’une voix douce au bout de quelques instants, pendant lesquels on aurait pu voir, pour ainsi dire, les larmes lui monter aux yeux, ma sœur… à quoi songes-tu donc ? Tu as l’air bien triste.

— Je pense… à la ville d’or… de nos rêves, dit Rose d’une voix lente, basse, après un moment de silence.

Blanche comprit l’amertume de ces paroles ; sans dire un seul mot, elle se jeta au cou de sa sœur en laissant couler ses larmes.

Pauvres jeunes filles… la ville d’or de leurs rêves… c’était Paris… et leur père ;… Paris, la merveilleuse cité des joies et des fêtes au-dessus desquelles, souriante, radieuse, apparaissait aux orphelines la figure paternelle.

Mais, hélas ! la belle ville d’or s’est changée pour elles en ville de larmes, de mort et de deuil ; le terrible fléau qui a frappé leur mère