Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/205

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de la cordialité, de la confiance qu’on me témoignait, tandis que maintenant l’on me traite en étranger. Pourquoi cela ? Pourquoi ce changement ? » Toujours froid et réservé, il me répond : « Ce sont là des réserves si délicates, M. le maréchal, qu’il m’est impossible de vous donner un avis à ce sujet. » Mon cœur a bondi de colère, de douleur. Que faire ? Provoquer d’Havrincourt, c’était fou ; par dignité, j’ai rompu cet entretien, qui n’a que trop confirmé mes craintes… Ainsi, ajouta le maréchal en s’animant de plus en plus, ainsi je suis sans doute déchu de l’estime à laquelle j’ai droit, méprisé peut-être, sans en savoir seulement la cause ! Cela n’est-il pas odieux ? Si du moins on articulait un fait, un bruit quelconque, j’aurais prise au moins pour me défendre, pour me venger, ou pour répondre. Mais rien, rien, pas un mot, une froideur polie aussi blessante qu’une insulte… Oh ! encore une fois, c’est trop… c’est trop… car tout ceci se joint encore à d’autres soucis. Quelle vie est la mienne depuis la mort de mon père ?… Trouvé-je du moins quelque repos, quelque bonheur dans sa maison ? non. J’y rentre, c’est pour y lire des lettres infâmes, et de plus, ajouta le maréchal d’un ton déchirant après un instant d’hésitation, et, de plus, je trouve mes enfants de plus en plus indiffé-