Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/208

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— Écoutez, mon général, je suis votre soldat, votre inférieur, votre serviteur, si vous voulez, dit rudement l’ex-grenadier à cheval ; mais il n’y a ni rang ni grade qui tienne quand il s’agit de défendre vos filles… Tout va s’expliquer ;… mettre les braves gens en face, je ne connais que ça.

Et si le maréchal ne l’eût arrêté par le bras, Dagobert entrait dans l’appartement des orphelines.

— Restez, dit si impérieusement le maréchal, que le soldat, habitué à l’obéissance, baissa la tête et ne bougea pas. Qu’allez-vous faire ? reprit le maréchal ; dire à mes filles que je crois qu’elles ne m’aiment pas ? provoquer ainsi des affectations de tendresse que ces pauvres enfants ne ressentent pas ?… Ce n’est pas leur faute… c’est la mienne sans doute.

— Ah ! mon général, dit Dagobert avec un accent navré, ce n’est pas de la colère que j’éprouve… en vous entendant parler ainsi de vos enfants… c’est de la douleur… vous me brisez le cœur…

Le maréchal, touché de l’expression de la physionomie du soldat, reprit moins brusquement :

— Allons, soit, j’ai encore tort, et pourtant…