Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/247

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niers mots… la dévote inclina la tête avec respect.

— La grâce a touché cet impie…, reprit Rodin, et l’a touché si fort, que, dans son enthousiasme ascétique, il a voulu déjà prononcer les vœux qui l’attachent à notre sainte compagnie.

— Si tôt, mon père ? dit la princesse étonnée.

— Nos instituts s’opposent à cette précipitation,… à moins cependant qu’il ne s’agisse d’un pénitent qui, se voyant in articulo mortis (à l’article de la mort), considère comme souverainement efficace pour son salut de mourir dans notre habit, et de nous abandonner ses biens… pour la plus grande gloire du Seigneur.

— Est-ce que M. Hardy se trouve dans une position aussi désespérée, mon père ?

— La fièvre le dévore ; après tant de coups successifs qui l’ont miraculeusement poussé dans la voie du salut, reprit Rodin avec componction, cet homme d’une nature si frêle et si délicate est à cette heure presque entièrement anéanti, moralement et physiquement. Aussi les austérités, les macérations, les joies divines de l’extase vont-elles lui frayer on ne peut plus promptement le chemin de la vie éternelle, et il est probable qu’avant quelques jours…

Et le prêtre secoua la tête d’un air sinistre.