Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/255

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irritation contre vous, en lui rappelant toutes les raisons qu’il avait de vous haïr, et en le raillant de ce que votre caractère sacré vous mettait à l’abri de sa vengeance.

Le père d’Aigrigny regarda Rodin avec stupeur, et s’écria en rougissant malgré lui :

— Mais dans quel but… Votre Révérence a-t-elle agi ainsi ?

— D’abord, afin de détourner de moi les soupçons qui pouvaient être éveillés par ces lettres ; puis, afin d’exalter la rage du maréchal jusqu’au délire, en lui rappelant sans cesse et les justes motifs de sa haine contre vous, et l’impossibilité où il était de vous atteindre. Ceci, joint aux autres ferments de chagrins, de colère, d’irritation, que les brutales passions de cet homme de bataille faisaient bouillonner en lui, devait le pousser à cette folle entreprise, qui est la conséquence et la punition de son idolâtrie pour un misérable usurpateur.

— Soit, dit le père d’Aigrigny d’un air contraint ; mais je ferai observer à Votre Révérence qu’il était un peu dangereux d’exciter ainsi le maréchal Simon contre moi.

— Pourquoi ? demanda Rodin en attachant un coup d’œil perçant sur le père d’Aigrigny.

— Parce que le maréchal, poussé hors des