Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/319

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tendre le moins du monde à monopoliser le courage, le dévouement, et à être un jour quelque peu canonisés et enchâssés ? Et pourtant, nous pensons que tant de hardis sapeurs qui ont risqué leur vie dans vingt incendies, qui ont arraché aux flammes des vieillards, des femmes, des enfants, qui ont préservé des villes entières des ravages du feu, ont au moins autant mérité de Dieu et de l’humanité que saint Polycarpe, saint Fructueux, saint Privé, et autres plus ou moins sanctifiés.

Non, non, grâce aux doctrines morales de tous les siècles, de tous les peuples, de toutes les philosophies, grâce à l’émancipation progressive de l’humanité, les sentiments de charité, de dévouement, de fraternité, sont presque devenus des instincts naturels et se développent merveilleusement chez l’homme lorsqu’il se trouve dans la condition de bonheur relatif pour lequel Dieu l’a doué et créé.

Non, non, certains ultramontains intrigants et tapageurs ne conservent pas seuls, comme ils le voudraient faire croire, la tradition du dévouement de l’homme à l’homme, de l’abnégation de la créature pour la créature : en théorie et en pratique, Marc-Aurèle vaut bien saint Jean, Platon saint Augustin, Confucius saint Chrysostome ; depuis l’antiquité jusqu’à