Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/365

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— Ma chère Madeleine, gardez votre place ; vous ne devez rien à madame de Saint-Dizier ; moi, c’est différent : elle vient chez moi.

À peine Adrienne avait-elle prononcé ces mots, que la princesse entra, la tête haute, l’air imposant (et elle avait, on l’a dit, le plus grand air du monde), le pas ferme, la démarche altière.

Les caractères les plus entiers, les esprits les plus réfléchis, cèdent presque toujours par quelque endroit à de puériles faiblesses ; une envie féroce, excitée par l’élégance, par la beauté, par l’esprit d’Adrienne, avait toujours eu une large part dans la haine de la princesse contre sa nièce ; quoiqu’il lui fût impossible de songer à rivaliser avec Adrienne, et qu’elle n’y songeât même pas sérieusement, madame de Saint-Dizier n’avait pu s’empêcher, pour se rendre à l’entrevue qu’elle lui avait demandée, de mettre plus de recherche dans sa toilette et de se faire corser, serrer, sangler à triple tour, dans sa robe de taffetas changeant ; compression qui lui rendait le visage beaucoup plus coloré qu’elle ne l’avait habituellement. En un mot, la foule de jaloux et haineux sentiments qui l’animaient contre Adrienne avait, à la seule pensée de cette rencontre, jeté une telle perturbation dans l’esprit ordinairement calme