Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/392

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devons pas accepter des liens indissolubles, car, si nous nous aimons toujours, à quoi bon ces liens ? Si notre amour cesse, à quoi bon ces chaînes, qui ne seront plus alors qu’une horrible tyrannie ?… Je vous le demande, mon ami.

Djalma ne répondit pas, mais d’un geste presque respectueux, il fit signe à la jeune fille de continuer.

— Et puis, enfin, reprit-elle avec un mélange de tendresse et de fierté, par respect pour votre dignité et pour la mienne, mon ami, jamais je ne ferai serment d’observer une loi faite par l’homme contre la femme, avec un égoïsme dédaigneux et brutal, une loi qui semble nier l’âme, l’esprit, le cœur de la femme, une loi qu’elle ne saurait accepter sans être esclave ou parjure, une loi qui, fille, lui retire son nom[1] ; épouse[2], la déclare en état d’imbécillité

  1. La femme prend le nom de son mari. Du reste, depuis longtemps, la haute aristocratie féminine s’est révoltée contre cette étrange prétention de la partie la plus laide et la plus barbue du genre humain, qui aime assez à être non pas moitié, mais tout dans le mariage. Ainsi, par exemple, une jeune personne du nom de Montmorency épouserait quelqu’un du nom de Crillon, qu’après son mariage elle signerait toujours fièrement Montmorency de Crillon.
  2. La femme est en état de minorité perpétuelle, et ne peut aucunement disposer de ce qui lui appartient.