Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/397

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dire si vos pensées me semblent étranges, Adrienne. Mais vous oubliez donc que ce qui fait ma foi, ma confiance dans notre amour, c’est que je l’éprouve avec les mêmes nuances que vous : ce qui vous blesse, me blesse ; ce qui vous révolte… me révolte. Tout à l’heure, quand vous me citiez les lois de ce pays, qui, dans la femme, ne respectent pas même la mère… je pensais avec orgueil que dans nos contrées barbares, où la femme est esclave, du moins elle devient libre quand elle devient mère… Non, non, ces lois ne sont faites ni pour vous ni pour moi. N’est-ce pas prouver le saint respect que vous portez à notre amour que de vouloir l’élever au-dessus de tous ces indignes servages qui l’auraient souillé ? Et… voyez-vous, Adrienne, j’entendais souvent dire aux prêtres de mon pays qu’il y avait des êtres inférieurs aux divinités, mais supérieurs aux autres créatures ;… je ne croyais pas ces prêtres : ici, je les crois.

Ces derniers mots furent prononcés, non pas avec l’accent de la flatterie, mais avec l’accent de la conviction la plus sincère, avec cette sorte de vénération passionnée, de ferveur presque intimidée, qui distingue le croyant lorsqu’il parle de sa croyance ;… mais ce qu’il est impossible de rendre, c’est l’ineffable har-