Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/416

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de trente ans au plus, grassouillet, rondelet, et dont l’abdomen gonflait la noire soutanelle.

Ce bon petit père était borgne ; mais l’œil qui lui restait brillait de vivacité ; sa figure fleurie souriait, avenante, joyeuse, splendidement couronnée d’une épaisse chevelure châtain, frisée comme celle d’un enfant Jésus de cire ; un geste cordial jusqu’à la familiarité, des manières expansives et pétulantes s’harmonisaient à merveille avec la physionomie de ce personnage.

En une seconde, Rodin eut dévisagé l’émissaire italien, et comme il connaissait sa compagnie et les habitudes de Rome sur le bout du doigt, il éprouva tout d’abord une sorte de pressentiment sinistre à la vue de ce bon petit père aux façons si accortes ; il eût moins redouté quelque révérend père long et osseux, à la face austère et sépulcrale, car il savait que la compagnie tâchait autant que possible, de dérouter les curieux par la physionomie et les dehors de ses agents. Or, si Rodin pressentait juste, à en juger par les cordiales apparences de cet émissaire, celui-ci devait être chargé de la plus funeste mission.

Défiant, attentif, l’œil et l’esprit au guet, comme un vieux loup qui évente et flaire une attaque ou une surprise, Rodin, selon son