Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/44

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tout d’observer leur physionomie, leurs habitudes, toutes choses si révélatrices lorsque l’homme se croit seul.

Quelques exclamations douloureuses, échappées à M. Hardy dans sa sombre solitude, furent rapportées au père d’Aigrigny par un mystérieux surveillant. Le révérend père, suivant scrupuleusement les instructions de Rodin, n’avait d’abord visité que très-rarement son pensionnaire. On a dit que le père d’Aigrigny, lorsqu’il le voulait, déployait un charme de séduction presque irrésistible ; mettant dans ses entrevues un tact, une réserve, remplis d’adresse, il se présenta seulement de temps à autre pour s’informer de la santé de M. Hardy. Bientôt le révérend père, renseigné par son espion, et aidé de sa sagacité naturelle, vit tout le parti que l’on pouvait tirer de l’affaissement physique et moral du pensionnaire ; certain d’avance que celui-ci ne se rendrait pas à ses insinuations, il lui parla plusieurs fois de la tristesse de la maison, l’engageant affectueusement, soit à la quitter si la monotonie de l’existence qu’on y menait lui pesait, soit à rechercher du moins au dehors quelques distractions, quelques plaisirs.

Dans l’état où se trouvait cet infortuné, lui parler de distractions, de plaisirs, c’était sûre-