Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/440

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adorent : « Être à toi aujourd’hui… selon ton désir… à toi… tout à toi… et demain viennent pour moi l’abandon, la honte, la mort, que m’importe ? sois heureux ;… ma vie ne vaut pas une de tes larmes… »

Le front de Djalma s’était peu à peu assombri en écoutant le métis ; ayant gardé envers cet homme le secret le plus absolu sur les divers incidents de sa passion pour mademoiselle de Cardoville, le prince ne pouvait voir dans ces paroles qu’une allusion involontaire, et amenée par le hasard, aux enivrants refus d’Adrienne ; et, pourtant, Djalma souffrit un moment dans son orgueil en songeant qu’en effet, ainsi que le disait Faringhea, il était des considérations, des devoirs qu’une femme mettait au-dessus de son amour ; mais cette amère et pénible pensée s’effaça bientôt de l’esprit de Djalma, grâce à la douce et bienfaisante influence du souvenir d’Adrienne ; son front se rasséréna peu à peu, et il répondit au métis qui, d’un regard oblique, l’observait attentivement :

— Le chagrin t’égare ;… si tu n’as pas d’autre raison pour douter de celle que tu aimes… que ces refus, que ces vagues soupçons dont ton esprit ombrageux s’effarouche, rassure-toi… tu es aimé… plus peut-être que tu ne le penses…