Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/546

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gueuse écorce disparaissait presque sous les rameaux grimpants de chèvrefeuille sauvage et de liserons aux clochettes de toutes couleurs, une touffe de vieux saules formait une sorte d’abri naturel, et sur leurs racines noueuses, énormes, recouvertes d’une mousse épaisse, un homme et une femme étaient assis : leurs cheveux entièrement blanchis, leurs rides séniles, leur taille voûtée annonçaient une grande vieillesse…

Et pourtant cette femme était naguère encore jeune, belle, et de longs cheveux noirs couvraient son front pâle.

Et pourtant cet homme était naguère encore dans toute la vigueur de l’âge.

De l’endroit où se reposaient cet homme et cette femme, on découvrait la vallée, le lac, les bois, et au-dessus des bois, la cime âprement découpée d’une haute montagne bleuâtre, derrière laquelle le soleil allait se lever.

Ce tableau, à demi voilé par la pâle transparence de l’heure crépusculaire, était à la fois riant, mélancolique et solennel…

— Ô ma sœur ! disait le vieillard à la femme qui, comme lui, se reposait dans le réduit agreste formé par le bouquet de saules, ô ma sœur, que de fois… depuis tant de siècles que la main du Seigneur nous a lancés dans l’espace,