Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/551

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osant soutenir, à la face des inépuisables trésors de la création, que Dieu a fait l’homme pour les larmes, pour le malheur et pour la misère… ces faux prêtres, qui, séides de toutes les oppressions, veulent toujours courber vers la terre, humilié, abruti, désolé, le front de la créature. Non, non, qu’elle relève fièrement son front ; Dieu l’a faite pour être digne, intelligente, libre et heureuse.

— Ô mon frère… vos paroles sont aussi prophétiques… Oui, oui, l’aurore de ce beau jour… approche ;… elle approche… comme approche le lever de ce jour, qui, par la miséricorde de Dieu, sera le dernier de notre vie… terrestre…

— Le dernier… ma sœur… car je ne sais quel anéantissement me gagne ;… il me semble que tout ce qui est en moi matière se dissout ; je sens les profondes aspirations de mon âme qui semble vouloir s’élancer vers le ciel.

— Mon frère… mes yeux se voilent ; c’est à peine si, à travers mes paupières closes, j’aperçois à l’orient cette clarté tout à l’heure si vermeille…

— Ma sœur… c’est à travers une vapeur confuse que je vois la vallée… le lac… les bois ;… mes forces m’abandonnent…