Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/93

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Mais Rodin, dont l’attention était de nouveau excitée, interrompit d’un signe le père d’Aigrigny, qui resta muet.

Un silence de quelques secondes avait succédé au commencement de l’entretien de Gabriel et de M. Hardy, celui-ci étant resté un instant absorbé par les réflexions que faisait naître en lui le langage de Gabriel.

Pendant ce moment de silence, Agricol avait machinalement jeté les yeux sur quelques-unes des lugubres sentences dont étaient pour ainsi dire tapissés les murs de la chambre de M. Hardy ; tout à coup, prenant Gabriel par le bras, il s’écria avec un geste expressif :

— Ah ! mon frère… lis ces maximes ;… tu comprendras tout… Quel homme, mon Dieu, restant dans la solitude seul à seul avec d’aussi désolantes pensées, ne tomberait pas dans le plus affreux désespoir… n’irait pas jusqu’au suicide, peut-être ?… Ah ! c’est horrible, c’est infâme, ajouta l’artisan avec indignation ; mais c’est un assassinat moral !

— Vous êtes jeune, mon ami, reprit M. Hardy en secouant tristement la tête, vous avez toujours été heureux, vous n’avez éprouvé aucune déception ;… ces maximes peuvent vous paraître trompeuses ; mais, hélas ! pour moi… et le plus grand nombre des hommes, elles