Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/95

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sance aveugle d’une vie oisive, stérile, ce livre, en prêchant le détachement de tout, le mépris de soi, la défiance de ses frères, un servilisme écrasant, avait pour but de persuader ces malheureux moines que les tortures de cette vie qu’on leur imposait, de cette vie en tout opposée aux vues éternelles de Dieu sur l’humanité… seraient douces au Seigneur…

— Ah ! ce livre me paraît, ainsi expliqué, plus effrayant encore, dit M. Hardy.

— Blasphème ! impiété !… poursuivit Gabriel ne pouvant contenir son indignation ; oser sanctifier l’oisiveté, l’isolement, la défiance de tous, lorsqu’il n’y a de divin au monde que le saint travail, que le saint amour de ses frères, que la sainte communion avec eux ! Sacrilège ! oser dire qu’un père d’une bonté immense, infinie, se réjouit dans les douleurs de ses enfants… lui ! lui ! juste ciel ! lui qui n’a de souffrances que celles de ses enfants ! lui qui n’a qu’un vœu, leur bonheur ! lui qui les a magnifiquement doués de tous les trésors de la création ! lui enfin qui les a reliés à son immortalité par l’immortalité de leur âme !

— Oh ! vos paroles sont belles, sont consolantes, s’écria M. Hardy, de plus en plus ébranlé ; mais, hélas ! pourquoi tant de malheureux sur la terre malgré la bonté providentielle du Seigneur ?