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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/176

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coupable ! Ma conscience est pure, car elle ne trouble pas ma voix lorsque je dis comme toi : Hâtons l’époque de notre mariage, — répondit la jeune fille.

Et, les traits rayonnants de sérénité, cédant à un mouvement d’effusion charmante, elle tendit les deux bras à son fiancé ; tous deux s’enlacèrent d’une chaste étreinte. Puis, Maurice faisant deux pas au-devant de San-Privato :

— Allez, monsieur, je vous pardonne vos perfidies, vos lâchetés… Le bonheur dont mon cœur déborde ne laisse pas de place à la haine. Je suis si heureux… que je ne peux que vous plaindre d’être perfide et méchant. Allez, monsieur… je suis assez vengé !

— Moi, non, et mon tour est arrivé ! — se dit San-Privato.

Et il reprit tout haut avec un accent de dignité blessée :

— Mon cousin, les coupables, seuls, acceptent qu’on leur pardonne : je repousse un pardon qui m’offense. J’ai été l’objet de cruelles… de bien cruelles accusations ; j’ai cru devoir d’abord les subir avec la silencieuse résignation de l’honnête homme outragé, attendant, fort de sa conscience, l’heure de se défendre ; cette heure est pour moi venue… veuillez m’entendre, j’ai le droit d’être entendu, j’ai le droit de me justifier ; je m’adresse à vous, ma cousine, et…

— Assez, monsieur, assez, — dit durement Charles Delmare redoutant la perfidie du langage de San-Privato, et craignant qu’il ne détruisît les excellents effets du loyal aveu de Jeane.

Et redoublant de hauteur et de dureté :

— Vous êtes, monsieur, jugé sur vos actes et flétri par eux ; toute justification est inutile.

San-Privato regarda fixement Charles Delmare, réfléchit durant quelques secondes et se dit :

— Mieux vaut maintenant que plus tard. Le Delmare gênerait, contrarierait singulièrement ma réplique.

Et le jeune diplomate reprit tout haut, affectant une parfaite urbanité :

— J’aurai l’honneur de faire observer à M. Charles Delmare qu’il manque absolument de politesse à mon égard ; il est peu séant d’interrompre ainsi les gens.

— Je veux bien répondre à M. San-Privato, — reprit Charles Delmare avec un suprême dédain, — et M. San-Privato se le tiendra, je l’espère, pour dit : qu’il est des personnes que leurs actes mettent en dehors des convenances que l’on se doit entre honnêtes gens…

— Je me permettrai de faire observer à M. Charles Delmare