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Page:Sue - Les Fils de famille (1856).djvu/198

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le cause, — répondit ironiquement M. Dumirail, voulant sans doute mettre fin à un entretien déplaisant pour lui, et auquel Charles Delmare et San-Privato, assis dos à dos de M. Dumirail et de sa sœur, avaient prêté une oreille attentive, chacun d’eux attachant, à son point de vue particulier, une grave importance à cette conversation.

Le jeune diplomate, remarquant le silence de M. Dumirail, dit, au bout de quelques instants, à Charles Delmare en affectant toujours une extrême urbanité :

— Je sens mes jambes un peu engourdies, je désirerais marcher ; c’est vous dire, monsieur, combien je m’estimerais heureux s’il pouvait, par hasard, vous convenir de faire aussi une partie de la route à pied.

Les chars de côté sont des voitures tellement près de terre, que leur caisse effleure presque le sol ; aussi Charles Delmare, obéissant au désir exprimé par San-Privato, descendit, ainsi que lui, du char, sans que leur absence fût remarquée de M. Dumirail absorbé dans ses pensées.


XXXIV


San-Privato et Charles Delmare, précédant de quelques pas le char où restaient assis M. Dumirail et sa sœur, avaient ensemble l’entretien suivant :

— Mon cher monsieur Delmare, — dit le jeune diplomate avec une sardonique affectation de cordialité, ― je vais en peu de mots… car je connais votre extrême et pénétrante intelligence… je vais en peu de mots vous donner mes instructions, certain de votre zèle et de votre exactitude à les remplir en mon absence.

— Quelles instructions ?

— Celles que vous aurez à exécuter après mon départ.

— Puisque enfin nous voici seuls, — reprit Charles Delmare luttant de sang-froid avec San-Privato, — je saisis cette occasion de vous dire que vous êtes un infâme…