tu me disais : « Jeane et Maurice sont certains d’être heureux s’ils se marient bientôt… » Bon !… Et voilà que tu me dis maintenant que ta fille aime ce… Ah ! Jésus ! mon Dieu !… c’est à en devenir folle !
— Pauvre bonne mère, calme-toi, le mal est grand, mais loin d’être désespéré.
— Pourtant, si Jeane aime ce…
— La malheureuse enfant a vaillamment lutté, lutte encore contre ce fatal entraînement ; aussi, je te le répète… rien n’est désespéré.
— Elle… elle… aimer cet homme-là !
— Écoute-moi, et peut-être tu comprendras ce qui te semble inexplicable.
— Parle, mon Charles, je vais t’écouter de toutes mes forces.
— Et, d’abord, il est évident, n’est-ce pas ? qu’il y a en nous, en toi, en moi, dans tout le monde enfin, du bon et du mauvais, des défauts et des qualités ?
— C’est tout simple.
— Jeane est comme tout le monde, il y a en elle du bon et du mauvais.
— S’il y a en elle du mauvais, il n’y en a pas beaucoup, d’après ce que tu m’as dit d’elle si souvent.
— Non ; mais enfin, ses mauvais instincts sommeillaient. Ils ne se seraient sans doute jamais éveillés ; ils seraient morts, faute d’aliments, sans la présence fatale de cet homme. En un mot, Geneviève, pour te rendre ma pensée aussi simple, aussi claire que possible, San-Privato, par ce qu’il y a de mauvais en lui, correspond à ce qu’il y a de mauvais dans Jeane ; de même que Maurice correspond à ce qu’il y a d’excellent dans ma fille. Comprends-tu cela, bonne mère ?
— Attends… Voyons, oui, il me semble, si je saisis bien, que c’est comme si tu disais que Jeane aime Maurice pour son bon cœur… et ce… enfin, l’autre… pour sa scélératesse ?
— C’est cela même.
— Est-ce que c’est possible ?
– Malheureusement, oui, cela est possible !
— Mon Dieu, mon Dieu !
— Cela est possible, surtout lorsque la scélératesse revêt des dehors aussi séduisants que ceux de San-Privato ; puis, de même que l’abîme, dont nous sondons les périls mortels, nous attire souvent malgré nous, la perversité a un attrait irrésistible, un charme fatal pour certains caractères pervers.